Logement décent : définition, critÚres et jurisprudence
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Avant de pouvoir louer son bien immobilier, il est nĂ©cessaire pour le propriĂ©taire de sâassurer quâil est en bon Ă©tat et peut ĂȘtre mis sur le marchĂ© sans risque pour son futur locataire. En effet, le logement doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme dĂ©cent lors de la remise des clĂ©s au locataire et le rester tout au long de la location. Dans le cas contraire, son nouvel occupant est en droit de se retourner contre son bailleur.
Quâest-ce qui dĂ©finit un logement dĂ©cent ?
La location dâun logement est encadrĂ©e par plusieurs lois et dĂ©crets, dont la loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs. Cex textes donnent une liste de critĂšres stricts qui servent Ă dĂ©finir la notion de logement dĂ©cent :
Définition d'un logement décent
La liste des critĂšres Ă respecter Ă©tablie en 2002 par dĂ©cret a pour but de statuer plus facilement sur la dĂ©cence ou non dâun logement. Pour quâun logement puisse ĂȘtre considĂ©rĂ© comme dĂ©cent, il ne doit pas porter atteinte Ă la sĂ©curitĂ© physique ou Ă la santĂ© de son occupant et doit lui assurer un minimum de confort. Il doit lui permettre de cuisiner, de se chauffer, dâavoir une hygiĂšne correcte ou encore dâavoir accĂšs Ă la lumiĂšre du jour. Il est bon de savoir que les logements conventionnĂ©s APL et ANAH sont tous des logements dĂ©cents ; cela fait en effet partie des Ă©lĂ©ments quâils doivent rĂ©unir pour obtenir ce statut.
Ne pas confondre logement indĂ©cent et logement insalubre LâĂ©tat de dĂ©gradation du logement insalubre est bien plus avancĂ© et peut directement impacter la santĂ© ou la sĂ©curitĂ© de ses occupants, voire des voisins. Les potentielles sanctions sont donc plus importantes dans le cas du logement insalubre.
Les critĂšres Ă respecter
Voici la liste des critĂšres quâun logement doit respecter pour ĂȘtre dĂ©cent :
- Une taille minimum : 9m2 habitables et 2,20m de hauteur de plafond, soit 20m3 au minimum,
- Une installation électrique et/ou gaz pour le chauffage et la cuisson en bon état de fonctionnement (diagnostics électricité et gaz à jour),
- Une cuisine ou coin cuisine aménagé avec un évier,
- AccĂšs Ă lâeau potable avec un dĂ©bit et une pression suffisants,
- Une douche ou baignoire avec accĂšs Ă lâeau chaude et froide,
- Des toilettes en bon Ă©tat de fonctionnement (dans le cas dâun studio, elles sont tolĂ©rĂ©es Ă lâextĂ©rieur du logement Ă condition dâĂȘtre facilement accessibles),
- Ăvacuation des eaux usĂ©es fonctionnelle,
- PiÚce principale éclairée par la lumiÚre naturelle,
- Absence de plomb ou dâamiante dans tout le logement,
- Un nombre normal dâoccupants en comparaison de la taille du logement,
- Depuis 2017 et le dĂ©cret sur les performances Ă©nergĂ©tiques des logements : Ă©tanchĂ©itĂ© Ă lâair et aĂ©ration correcte, dans le but de moins dĂ©penser en chauffage.
CritĂšres de dĂ©cence pour un logement meublĂ© Les critĂšres de dĂ©cence sont les mĂȘmes pour un logement meublĂ© ou vide. Cependant, il faut respecter des critĂšres supplĂ©mentaires pour pouvoir louer avec le statut meublĂ© (prĂ©sence de certains meubles prĂ©cis par exemple).
Qui peut constater lâindĂ©cence ou lâinsalubritĂ© dâun logement ?
Plusieurs personnes sont habilitĂ©es Ă constater lâindĂ©cence dâun logement. Ils peuvent ĂȘtre appelĂ©s pour un simple diagnostic ou dans le cadre dâune procĂ©dure visant Ă reconnaĂźtre la non dĂ©cence et condamner (le cas Ă©chĂ©ant) le propriĂ©taire.
- Les experts mandatĂ©s par les compagnies dâassurance, dont le rapport dâexpertise est rĂ©guliĂšrement utilisĂ© comme preuve lors de procĂšs. Câest gĂ©nĂ©ralement eux qui sont appelĂ©s lorsque le sinistre se limite Ă lâindĂ©cence.
- Un huissier de justice peut Ă©galement remplir un rĂŽle similaire. Cependant, il reste un magistrat en premier lieu et son analyse est donc plus facilement contestable que celle dâun expert ou dâune commission spĂ©cialisĂ©e.
- Il est possible de faire appel Ă la Caf pour constater la dĂ©cence ou non dâun logement.
Dans le cas dâun logement insalubre, il faut passer par la mairie qui mandatera le Service Communal d'HygiĂšne et de SantĂ© (SCHS). Leurs agents se dĂ©placeront pour constater lâĂ©tendue des dĂ©gĂąts ou enverront ceux d'une Agence RĂ©gionale de SantĂ© (ARS). Il est Ă©galement envisageable de contacter la DDASS.
Locataires : quels sont les recours en cas de logement indécent ?
Un locataire se rendant compte que le logement quâil occupe est indĂ©cent peut agir pour amĂ©liorer sa situation. Peu importe ce qui a Ă©tĂ© indiquĂ© sur lâĂ©tat des lieux dâentrĂ©e, cela ne retire pas au bailleur son obligation de dĂ©livrer un logement dĂ©cent et qui le reste tout au long de la location. Le recours en cas de logement indĂ©cent se fait en 3 Ă©tapes :
- Dans un premier temps, le locataire doit contacter son bailleur afin de lui signaler les Ă©lĂ©ments dâindĂ©cence et de tenter dâarriver Ă un accord Ă lâamiable pour quâil effectue les travaux nĂ©cessaires. Si le propriĂ©taire accepte, le locataire lui indique par lettre recommandĂ©e avec accusĂ© de rĂ©ception les amĂ©liorations Ă faire et le dĂ©lai Ă respecter.
- En cas de rĂ©ponse nĂ©gative ou dâabsence de rĂ©ponse et aprĂšs un dĂ©lai de 2 mois, le locataire peut alors saisir la Commission DĂ©partementale de Conciliation (CDC) pour tenter dâarriver Ă un accord. Bien que recommandĂ©e, cette Ă©tape reste facultative : il est possible de porter l'affaire immĂ©diatement devant un juge. Cette commission convoque les deux parties par courrier ou mail 15 jours avant la sĂ©ance au cours de laquelle elles exposeront les Ă©lĂ©ments dĂ©fendant leur point de vue. Chaque partie peut ĂȘtre prĂ©sente en personne ou se faire reprĂ©senter et peut ĂȘtre assistĂ©e par la personne de son choix. Si lâune est absente (sans motif valable) le jour de la sĂ©ance, alors la commission pourra simplement Ă©mettre un avis en se basant sur les informations donnĂ©es par la partie prĂ©sente. En cas dâaccord, un document est signĂ© et les deux parties doivent sâengager Ă le respecter. Si ce nâest pas le cas, la partie spoliĂ©e peut alors saisir le tribunal pour y remĂ©dier.
- En cas de nouveau dĂ©saccord, les deux parties peuvent faire appel Ă un tribunal. Chacune devra alors prouver la dĂ©cence ou non du logement via des photos, rapports dâexperts ou encore des courriers Ă©changĂ©s. Si le logement est reconnu comme indĂ©cent, le propriĂ©taire pourra ĂȘtre condamnĂ© Ă effectuer les travaux nĂ©cessaires pour arranger la situation mais Ă©galement Ă baisser le loyer demandĂ© et Ă payer des dommages et intĂ©rĂȘts Ă son locataire.
A noter que la marche à suivre est différente en cas de logement insalubre.
Que faire en cas de logement insalubre ?
Un locataire vivant dans un logement dĂ©clarĂ© indĂ©cent peut bĂ©nĂ©ficier dâaides de la Caf selon certaines conditions.
Habiter un logement indĂ©cent ne dispense pas le locataire de payer son loyer, exceptĂ© si lâĂ©tat du lieu le rend inhabitable. Il revient alors au locataire la tĂąche de prouver que sa cessation de paiement est justifiĂ©e.
Propriétaires : que faire en cas de logement indécent ?
En cas de logement indĂ©cent, le propriĂ©taire doit le rĂ©nover avant que le locataire ne lâoccupe ; dans le cas contraire, et mĂȘme si des travaux sont prĂ©vus Ă court terme ou que le locataire a donnĂ© son accord Ă©crit, ce dernier peut se retourner contre le bailleur et exiger, entre autres, des dommages et intĂ©rĂȘts.
- Si le locataire se plaint de lâindĂ©cence du logement :
DĂšs quâil en est informĂ©, le propriĂ©taire a lâobligation dâeffectuer les travaux nĂ©cessaires pour Ă©viter Ă son locataire de souffrir dâun trouble de jouissance. Le bailleur doit ĂȘtre contactĂ© par lettre recommandĂ©e avec accusĂ© de rĂ©ception pour que la requĂȘte ait une valeur juridique.
- Si le propriĂ©taire ne reconnaĂźt pas lâindĂ©cence du logement :
Sâil ne reconnaĂźt pas la lĂ©gitimitĂ© des allĂ©gations de lâoccupant, il peut saisir lui aussi la Commission DĂ©partementale de Conciliation, voire le tribunal.
- Si le propriĂ©taire dĂ©couvre lui-mĂȘme lâindĂ©cence :
Si le propriĂ©taire remarque de lui-mĂȘme que son logement, occupĂ© ou non, est indĂ©cent, il a tout intĂ©rĂȘt Ă prendre les dispositions nĂ©cessaires pour y remĂ©dier. Cela afin de pouvoir le louer dans de bonnes conditions de nouveau, mais Ă©galement pour Ă©viter quâil ne devienne insalubre.
- En cas dâinsalubritĂ© :
Toute personne remarquant lâinsalubritĂ© des lieux peut contacter la mairie pour signaler cet Ă©tat. Le propriĂ©taire risque alors de lourdes sanctions financiĂšres, voire une peine de prison s'il refuse de reloger son potentiel locataire ou dâeffectuer les travaux dans les dĂ©lais, entre autres circonstances aggravantes.
Que dit la jurisprudence ?
De nombreux cas liĂ©s Ă un logement prĂ©tendument indĂ©cent font jurisprudence. Les jugements peuvent aussi bien ĂȘtre en faveur du propriĂ©taire que du locataire, voire donner raison aux deux parties sur des points diffĂ©rents. Il nây a pas de sanctions ou dâamendes prĂ©cises, chaque verdict est rendu au cas par cas pour rĂ©parer au mieux les prĂ©judices subis. Voici deux exemples de jugements opposant un couple de bailleurs Ă un couple de locataires.
Cas d'une condamnation du bailleur
Dans lâaffaire n° 16/02354, verdict rendu le 16 juin 2017 par la Cour dâAppel de Reims, les Ă©poux X, les bailleurs, font dâappel dâune premiĂšre dĂ©cision en faveur des consorts A et Z, leurs locataires. Ces derniers leur reprochent de ne pas avoir fait de travaux suffisants pour rĂ©gler les problĂšmes dâhumiditĂ© dans leur logement. Le rapport dâexpertise liĂ© Ă ce jugement conclut : Le logement souffre dâun manque de ventilation et dâisolant thermique, entraĂźnant fatalement un phĂ©nomĂšne de condensation sur les parois froides. Ces dĂ©fauts ne sont pas la consĂ©quence dâun dĂ©faut dâusage par le locataire mais sont liĂ©s Ă lâarchitecture du logement et Ă ses Ă©quipements techniques inadaptĂ©s.
La cour dâappel confirme le jugement rendu en premiĂšre instance. Bien que des travaux aient Ă©tĂ© effectuĂ©s, ils nâont pas Ă©tĂ© suffisants pour rĂ©gler les problĂšmes dâhumiditĂ© et donc de dĂ©cence du logement. Le jugement est partiellement infirmĂ© et les Ă©poux X sont ainsi condamnĂ©s Ă verser Ă leurs locataires :
- 1 000⏠pour préjudice matériel
- 1 000⏠pour préjudice de jouissance
- 600⏠âau titre des dispositions de lâarticle 700 du code de procĂ©dure civileâ
Cas d'une condamnation des deux parties
Certains jugements sont moins tranchĂ©s et imputent des fautes aux deux parties. Câest le cas du verdict n° 15/05271 rendu le 28 septembre 2017 par la Cour dâAppel de Douai.
Le couple YZ loue Ă M. X (qui vit avec Mme. A) un logement ainsi quâun garage. Les locataires cessent de payer leurs loyers au bout dâun certain temps avant de partir dĂ©finitivement et dâattaquer le couple YZ en justice en demandant des dommages et intĂ©rĂȘts. Le logement sâavĂšre ĂȘtre effectivement indĂ©cent en de multiples aspects et les bailleurs sont condamnĂ©s (entre autres) Ă verser 4600⏠de dommages-intĂ©rĂȘts au couple XA.
En revanche, les locataires sont jugĂ©s fautifs dâavoir cessĂ© de verser aux bailleurs leur loyer alors quâaucun jugement en ce sens nâavait Ă©tĂ© rendu et que le logement nâĂ©tait pas inhabitable. Ils ont donc Ă©tĂ© condamnĂ© Ă payer la majeure partie de leurs loyers en retard, pour un montant de 3184,18⏠ainsi que 200⏠de dommages-intĂ©rĂȘts. AprĂšs compensation, le couple YZ a donc dĂ» verser 1922,82⏠au couple XA.
Bailleurs comme locataires se doivent donc dâĂȘtre prudents concernant lâĂ©tat du logement en location. Une bonne analyse au moment de lâĂ©tat des lieux peut Ă©viter certains dĂ©sagrĂ©ments aux deux parties.